Les circonstances de la rencontre entre Natalie Clifford Barney et Liane de Pougy ont la beauté des grands récits historiques. La très jeune Natalie se présenta un jour de 1899 au domicile d'une des plus grandes courtisanes de son temps, vêtue en page et se prétendant la messagère de l'amour envoyée par Sapho, avec l'assurance invulnérable de ses vingt-trois ans ; elle obtint ce qu'elle osa à peine demander. Cette liaison dura moins d'un an, muée en une amitié durable. Natalie n'était pas arrivée à arracher Liane à sa vie très lucrative de galanterie et se consola auprès de Renée Vivien. Confiées par Liane de Pougy à son ami Salomon Reinach, les lettres d'amour de Natalie Clifford Barney furent données au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France en 1936. Ce don fut cependant assorti d'une très longue réserve de communication d'une longueur exceptionnelle, jusqu'en l'an 2000. Les lettres de Liane de Pougy proviennent de la collection de M. Jean Chalon. Cette correspondance était restée totalement inédite. Les 170 lettres choisies retracent la flamboyance de cette relation brève. Le lecteur suit les stations tragiquement automatiques, sottement interchangeables, de toutes les passions, des illusions divines des débuts au goût amer des regrets. Le lecteur ne peut également s'empêcher de s'émerveiller de la folle liberté de ton d'une jeune amazone, engagée dans l'espoir impossible de soustraire une splendide courtisane à la société des hommes. Ces lettres montrent une hardiesse dans l'expression qui, jamais leste ni vulgaire, ne fait guère mystère de la nature de certaines extases : « Nous étions ferventes, révoltées contre le sort des femmes et surtout de voluptueuses et cérébrales petites apôtres, un peu poètes, avec beaucoup d'illusions et de rêves. Nous aimions les longues chevelures, les jolis seins, les moues, les mines, le charme, la grâce. » (L. de Pougy). Edition établie et annotée par Suzette Robichon et Olivier Wagner ; Introduction et postface d'Olivier Wagner.