- Coup de cœur
Jean Genet. Revue Europe n°1103
Jean Genet
Irrécupérable, telle semble être l'oeuvre de Jean Genet. Non seulement au regard des polémiques qu'elle a suscitées et suscite encore, mais plus profondément par son refus de s'apaiser, de pactiser, d'oublier. « Je conserverai en moi-même l'idée de moi-même mendiant » écrivait Genet dans le Journal du voleur. Ni l'humiliation, ni la souffrance, ni l'exclusion n'ont à aucun moment été oubliées. L'ensemble de son oeuvre pourrait ainsi être lue comme un refus radical de toute amnistie. Pas d'oubli, et donc pas de mesure ou de compromis. Pas de résilience non plus. Refus aussi de se présenter comme victime puisque seul le choix de la révolte permet de toucher à cette beauté salvatrice, sans cesse recherchée dans les gestes de ses amants et des êtres en révolte...
Irrécupérable, telle semble être l'oeuvre de Jean Genet. Non seulement au regard des polémiques qu'elle a suscitées et suscite encore, mais plus profondément par son refus de s'apaiser, de pactiser, d'oublier. « Je conserverai en moi-même l'idée de moi-même mendiant » écrivait Genet dans le Journal du voleur. Ni l'humiliation, ni la souffrance, ni l'exclusion n'ont à aucun moment été oubliées. L'ensemble de son oeuvre pourrait ainsi être lue comme un refus radical de toute amnistie. Pas d'oubli, et donc pas de mesure ou de compromis. Pas de résilience non plus. Refus aussi de se présenter comme victime puisque seul le choix de la révolte permet de toucher à cette beauté salvatrice, sans cesse recherchée dans les tableaux de Rembrandt ou les sculptures de Giacometti, dans les gestes de ses amants et des êtres en révolte : « J'aime ceux que j'aime, qui sont toujours beaux et quelquefois opprimés mais debout dans la révolte. » De manière encore plus radicale, son oeuvre demeure irrécupérable par cette douloureuse remise en question d'elle-même, de sa nécessité, voire de sa justesse. Genet a toujours écrit contre lui-même et n'a pas hésité à raturer, à détruire sa légende, quand il pensait que ses textes sonnaient faux. Sans le moindre accommodement avec les conventions sociales ou littéraires, son oeuvre est de celles qui ont changé le paysage théâtral et romanesque du 20e siècle.
Depuis la publication de son premier livre en 1998, Cédric Demangeot, s'est peu à peu imposé comme l'une des voix poétiques les plus saisissantes de sa génération. Dans son oeuvre qui est le théâtre d'un affrontement très dur, très âpre avec le négatif, la poésie devient protestation de la vie contre tout ce qui l'entrave, la défigure et la nie. « La poésie - dit-il - doit saboter le réel et le rendre au vivant. » Alors que le numéro de mars d'Europe venait de partir à l'imprimerie, nous avons appris la mort de Cédric Demangeot, survenue le 28 janvier, à l'âge de 46 ans. Notre tristesse est grande. Son oeuvre demeure, « obstinément vivante ».
Revue Europe n°1103. Mars 2021. 334p