- Coup de cœur
L'opoponax
Monique Wittig
De quoi s'agit-il dans le livre ? D'enfants. De dix, cent petites filles et petits garçons qui portent les noms qu'on leur a donnés mais qui pourraient aussi bien les échanger contre des sous neufs. Il s'agit de mille petites filles ensemble, d'une marée de petites filles qui vous arrive dessus et qui vous submerge. Il s'agit bien de cela en effet, d'un élément fluide et vaste, marin. Toute une moisson, une marée d'enfants portés par une seule vague : car tout d'abord, quand le livre débute, ils sont très très jeunes, ils sont dans le fond d'un âge sans fin. Nous avons tous écrit ce livre, vous aussi bien que moi. Une seule d'entre nous a découvert cet Opoponax que nous avons tous écrit, que nous le voulions ou non. C'est une fois le livre fermé que s'opère la séparation.
Mon Opoponax, c'est peut-être, c'est même à peu près sûrement le premier livre moderne qui ait été fait sur l'enfance. Mon Opoponax, c'est l'exécution capitale de quatre-vingt-dix pour cent des livres qui ont été faits sur l'enfance. C'est la fin d'une certaine littérature et j'en remercie le ciel. C'est un livre à la fois admirable et très important parce qu'il est régi par une règle de fer, jamais enfreinte ou presque jamais, celle de n'utiliser qu'un matériau descriptif pur, et qu'un outil, le langage objectif pur. Ce dernier prend ici tout son sens. Il est celui-là même - mais porté au plain-chant par l'auteur - dont l'enfance se sert pour déblayer et dénombrer son univers. Ce qui revient à dire que mon Opoponax est un chef d'oeuvre d'écriture parce qu'il est écrit dans la langue exacte de l'Opoponax. Mais il ne faut pas s'effrayer : les adultes même s'ils l'ignorent connaissent le langage opoponax. Il leur suffira de lire le livre de Monique`Wittig pour qu'ils s'en souviennent. À moins, mais cela peut arriver, d'avoir des yeux très fatigués par une littérature très fausse ou d'ignorer même si on fait carrière dans la littérature. De quoi s'agit-il dans le livre ? D'enfants. De dix, cent petites filles et petits garçons qui portent les noms qu'on leur a donnés mais qui pourraient aussi bien les échanger contre des sous neufs. Il s'agit de mille petites filles ensemble, d'une marée de petites filles qui vous arrive dessus et qui vous submerge. Il s'agit bien de cela en effet, d'un élément fluide et vaste, marin. Toute une moisson, une marée d'enfants portés par une seule vague : car tout d'abord, quand le livre débute, ils sont très très jeunes, ils sont dans le fond d'un âge sans fin. On a dans les trois ans, je dirais, de Véronique Legrand ? Nous avons tous écrit ce livre, vous aussi bien que moi. Une seule d'entre nous a découvert cet Opoponax que nous avons tous écrit, que nous le voulions ou non. C'est une fois le livre fermé que s'opère la séparation... Un chef-d'oeuvre. Minuit. 272p