Filiation dès la naissance. Réflexions autour d'une proposition de loi tendant à réformer la filiation
Thomas Linard
Le présent ouvrage rassemble une proposition de loi tendant à réformer la filiation et un ensemble de textes qui en illustre les principes et les applications. Cette proposition de loi considère que l’homoparentalité est révélatrice des présupposés idéologiques de notre droit de la filiation et en cela de ses manques et de ses carences pour l’ensemble des enfants et des situations parentales.
Le présent ouvrage rassemble une proposition de loi tendant à réformer la filiation et un ensemble de textes qui en illustre les principes et les applications. Cette proposition de loi considère que l’homoparentalité est révélatrice des présupposés idéologiques de notre droit de la filiation et en cela de ses manques et de ses carences pour l’ensemble des enfants et des situations parentales. Elle s’appuie donc sur l’expérience homoparentale (incluant les familles pluriparentales, les parents ayant obtenu le changement de la mention de leur sexe à l’état civil, les inséminations avec donneur connu, etc.) pour proposer un nouveau modèle s’appuyant sur les principes suivants :
– La filiation ne relève pas d’un ordre prépolitique, qu’il soit révélé, naturel ou anthropopsychologisant. Il n’est de filiation qu’artificieuse : le droit n’est pas le simple enregistrement de faits naturels. Par le droit, la société décide ou non d’attribuer à ces faits une valeur, car ils n’ont pas en eux-mêmes de vocation juridique ou anthropologique. Les fondements de la filiation sont un choix politique et le choix présent est de n’exclure aucun enfant, en la fondant sur l’engagement et le projet parental.
– Là où la naturalisation de la filiation avait fait de la procréation le dernier bastion de la division juridique des sexes, la filiation par engagement, n’étant pas fondé sur des rapports de causalité établissant un lien entre performances corporelles et obligations juridiques, fonde un féminisme indifférentialiste. Corolairement, femmes et hommes doivent établir leur filiation de la même façon.
– Les principes gouvernant l’établissement d’une filiation doivent être en cohérence avec ceux fondant son contentieux. L’engagement ne pouvant être contraint, les déclarations judiciaires de paternité ou de maternité et les actions judiciaires associées sont sans fondement. Les tests génétiques ne peuvent rien prouver de l’engagement et donc rien de la filiation.
– La filiation, son établissement comme son contentieux, ne doit pas dépendre du statut matrimonial des parents ou varier au gré de leur vie sentimentale.
– Une filiation sans élément antagonique ne requiert pas le contrôle d’un juge : les parents n’ont pas besoin d’adopter juridiquement leurs propres enfants. L’enregistrement de l’engagement dans un acte authentique lui donne sa force opposable.
– Il ne peut être diverses qualités d’engagement, un engagement présumé et automatique d’un côté et un engagement enregistré de l’autre, sauf à hiérarchiser les filiations. D’où il découle que la présomption ou autre dispositif de filiation automatique est incohérent avec la filiation par engagement.
– Il est possible de réformer la filiation dans le sens indiqué en changeant le minimum de textes, notamment en utilisant le mode existant de la reconnaissance, en supprimant les modes d’établissement automatiques et en mettant les modes de contentieux en accord, mais en conservant l’essentiel des conditions de recevabilité et de délais des actions en justice et l’ensemble des droits et devoirs attachés à la filiation.
L’homoparenté est maintenant une réalité de notre droit : l’adoption de l’enfant du conjoint est la forme qu’utilisent présentement les couples de même sexe pour établir leur filiation. C’est pourtant une solution qui pose une question fondamentale : pourquoi les couples de même sexe devraient-ils solliciter l’approbation d’un juge (le mécanisme de l’adoption) et non pas les couples de sexe différent ? C’est en cherchant à comprendre tous les tenants sous-jacents à cette question, qui interroge ultimement les principes d’égalité et de liberté ainsi que le rôle de l’État dans son immixtion dans la sphère privée, que j’en ai déduis les principes cités.
La filiation ainsi refondée, considérant la place centrale que la filiation occupe dans la définition de ce qui fait famille, donne un cadre nouveau pour repenser de multiples problématiques telles que l’accès à la connaissance des origines, l’adoption ou la beau-parentalité. Je donne un exemple de ce que pourrait être une nouvelle organisation de l’anonymat du don de gamètes dans les articles 11 & 12 de ma proposition de loi.
UFAL. 75p