Le bal des hommes
Gonzague Tosseri
La Brigade mondaine mène l'enquête dans les milieux invertis du Paris des années 1930. Un premier roman généreux et très maîtrisé.
« Des bars coloniaux de la rue de Lappe aux établissements de bains de la rue Saint-Lazare, des promenoirs du Gaumont, sur les Grands Boulevards, aux pissotières de la gare du Nord, des michetonneurs de la porte Saint-Martin aux masseurs de la Folie-Méricourt, tout ce que Paris comptait de vénalité mâle connaissait les ciseaux de ses grandes jambes et la manière singulière que Blèche avait de fondre sur ses proies pour les interroger, en les fixant avec intensité. Ses collègues de la Mondaine étaient réputés pour leur habitude de jouer aux idiots avec les tauliers, de finasser, d'insinuer qu'ils en savaient plus qu'ils paraissaient en dire, à croire qu'on leur avait enseigné que les menaces sont plus lourdes et les dégelées plus terrorisantes quand elles sont pratiquées par des flics à l'air bonasse. Blèche, lui, posait des questions brèves et tranchantes, qui sortaient à une vitesse stupéfiante de sa bouche sans que cela fît vaciller ses moustaches noires. »
Une nuit de 1934, des inconnus pénètrent dans le zoo de Vincennes, abattent et émasculent deux fauves avant de prendre la fuite. Les autorités sont convaincues que les pénis tranchés vont grossir un trafic d'aphrodisiaques destinés aux homosexuels parisiens. Elles chargent l'inspecteur Blèche de résoudre l'affaire. Blèche, homme glacé doté d'une intelligence supérieure et d'une mémoire hors norme, est à la Brigade mondaine chargé de surveiller les " invertis ". Son enquête le conduit à exhumer de dangereux secrets, dans les haut-lieux du Paris interlope des années 1930, comme le bal du Magic City. Ses recherches le mènent bientôt aux hommes-clés du milieu, comme Oscar Dufrenne, le flamboyant directeur du Palace. Sur un fond historique réaliste qui prend racine dans la Première Guerre mondiale et jette un pont jusqu'à la seconde, et nous fait assister aux émeutes du 6 février 1934 ou à l'assassinat du roi de Yougoslavie, des éléments mystérieux ne tardent pas à enfiévrer un récit hyper maîtrisé, à l'intrigue diaboliquement précise. La langue très travaillée de Gonzague et Tosseri fait revivre un Paris extraordinaire et à jamais disparu. Robert Laffont. 288p