Revue Europe Marcel proust (T.1012-1013, août-septembre 2013)
Collectif
À l’automne 1913, Marcel Proust publiait à compte d’auteur
Du côté de chez Swann, premier tome d’À la recherche du temps perdu
dont la publication, en partie posthume, s’échelonna jusqu’en 1927.
On se souvient que le manuscrit en avait été refusé par André Gide,
qui reconnut avoir commis une lourde erreur et donna dès 1921 une lecture
pénétrante de la Recherche : « Proust est quelqu’un dont le regard
est infiniment plus subtil et attentif que le nôtre, et qui nous prête
ce regard tout le temps que nous le lisons. Et comme les choses qu’il regarde
sont les plus naturelles du monde, il nous semble sans cesse, en le lisant,
que c’est en nous qu’il nous permet de voir ; par lui tout le confus
de notre être sort du chaos, prend conscience et nous nous imaginons
avoir éprouvé nous-mêmes ce détail, nous le reconnaissons, l’adoptons,
et c’est tout notre passé que ce foisonnement vient enrichir. »
Peu d’auteurs français ont suscité autant que Proust, aux quatre coins
du monde, autant de commentaires d’écrivains et de philosophes,
et jusqu’à nos jours, autant de travaux critiques.
Dans le champ des sciences humaines et sociales, il n’est guère de discipline
qui ait omis de caresser de son rayon ce colosse de Memnon,
pour le faire chanter à sa manière. Dernièrement, c’est même du côté
des neurosciences que s’est manifestée une curiosité déférente,
la Recherche étant considérée comme une voie d’accès descriptive
aux mystères du fonctionnement de l’esprit.
Un peu comme les rigoles creusées par l’eau de pluie dévalantles collines,
et qui s’élargissent en cours d’eau, les filons de recherche s’appellent,
se relient et se confortent l’un l’autre, quitte à s’enrichir et à se renouveler
au fil des générations. « Un classique est un livre qui n’a jamais fini de dire
ce qu’il a à dire », observait naguère Italo Calvino.
Cette heureuse expérience de l’inépuisable est promise au simple lecteur
comme au critique de Proust. L’œuvre de génie est bien celle qui « résiste ».
Chaque nouveau paradigme, chaque nouveau regard l’aborde avec profit.
Elle donne à penser à toutes les approches, tout comme se renouvelle la joie
du génie littéraire en laquelle Proust logeait son vœu le plus cher :
« Heureux les livres pareils à des falaises où les siècles, y battant toujours,
trouvent encore à ronger. »
C’est une pareille « falaise » que la revue Europe revient aujourd’hui caresser
de ses vagues, tandis que Christie’s fait grimper la cote des reliquats
et des paperoles, et que la Toile nomme à tous vents et tous les jours :
Proust, la Recherche et tous ses Charlus…
ÉTUDES ET TEXTES DE
Gennaro Oliviero, Geneviève Henrot Sostero, Pierre-Edmond Robert,
Annick Bouillaguet, Daniele Garritano, Nathalie Mauriac Dyer,
Viviana Agostini-Ouafi, Matthieu Vernet, Anne Simon, Daria Galateria,
Florence Godeau, Philippe Chardin, Bruno Moroncini, Guillaume Perrier,
Mario Lavagetto, Maurizio Ferraris, Jacqueline Risset, Philippe Vilain,
Raffaele La Capria.
CAHIER DE CRÉATION
Shama Futehally • Éric Auzoux •Raffaele Carrieri
Nazîh Abou Afach • Marilyn Hacker • Sylvie Fabre G.
Michel Collot • Danielle Estèbe-Hoursiangou.
Revue Europe 384p