Léman
Mona Thomas
lLe véritable objet de ce récit d'une longue conversation téléphonique entre un homme et une femme est l'amour, sous toutes ses formes et dans tous ses questionnements. Que perd-on quand on fuit l'être aimé ? Aimer peut-il s'associer à la haine ? En quoi la passion diffère quand on est homosexuel ? L'amour et le sexe doivent-ils être dissociés ? Comment rester amoureux et oublier ?
Léman est une conversation au téléphone entre un homme qui vit retiré sur la Riviera suisse et une amie au loin. Dans la liberté de l'échange, l'habitant du palace évoque les dessous du cinéma, les soirées parisiennes où l'on boit trop, l'artifice de la sociabilité, comme il parle de son enfance au bord du lac ou d'une existence qui le tient à l'abri des passions mais l'isole du monde. Car le trouble qui le fait parler, c'est un amour perdu, follement rêvé, qu'il revisite pour en comprendre la violence et la vivacité du désir.
Comment ne pas se croire prédisposé à la grande solitude quand on a été le petit garçon en tricycle roulant sur la moquette des couloirs du film de Kubrick ? Au bout du fil, les paroles amies apaisent moins le tourment qu'elles ne relancent la réflexion d'un homme hanté par la trahison, séduit et sans doute abandonné. Car le véritable objet du récit est l'amour, sous toutes ses formes et dans tous ses questionnements. Que perd-on quand on fuit l'être aimé ? Aimer peut-il s'associer à la haine ? En quoi la passion diffère quand on est homosexuel ? L'amour et le sexe doivent-ils être dissociés ? Comment rester amoureux et oublier ?
Les digressions se déclinent sans tabous, sur un mode qui permet de se moquer de soi-même, toujours dans une lucidité implacable. Tout est évoqué de la sentimentalité, de la virilité, de l'homophobie, de l'érotisme et de la prostitution. Tout se dit dans l'amitié qui passe comme un souffle entre les deux protagonistes, les éclaire et fait de ce dialogue un livre doux et venimeux, d'une grande finesse d'esprit, élégant et percutant.
«Quand on est en désespoir d'amour on touche à la vie. Tandis qu'être amoureux... On s'illusionne, c'est une ivresse. Quand on est en désespoir d'amour, on touche à... ce qui s'enfuit. Ce n'est pas l'euphorie de l'état amoureux. La vie est belle à ce moment-là. Elle est douloureuse mais elle est surtout belle. On touche à la vie dans son état premier comme si rien n'était encore arrivé.» Stock. 155p