Histoire d'une femme libre
Françoise Giroud
Après une tentative de suicide due à un désespoir amoureux, Françoise Giroud s'est isolée à la campagne dans une maison d'amis, où elle a écrit ce texte autobiographique. Elle y raconte tout d'abord, avec la lucidité aiguisée qu'on lui connaît, son enfance auprès d'une mère fantasque et adorée, généreuse, brillante, gestionnaire catastrophique des lambeaux de la fortune familiale.
Après une tentative de suicide due à un désespoir amoureux, Françoise Giroud s'est isolée à la campagne dans une maison d'amis, où elle a écrit ce texte autobiographique. Elle y raconte tout d'abord, avec la lucidité aiguisée qu'on lui connaît, son enfance auprès d'une mère fantasque et adorée, généreuse, brillante, gestionnaire catastrophique des lambeaux de la fortune familiale. Françoise grandit dans un milieu bourgeois qui la repousse car elle est pauvre. Elle va ainsi s'aguerrir, apprendre à observer et à ne pas céder. Elle a la chance d'être introduite par Marc Allégret dans le milieu du cinéma, où elle va faire ses classes. Le récit retarde délibérément l'apparition de JJSS, l'homme qui a poussé l'auteur à la dernière extrémité. Françoise Giroud l'accable de flèches cruelles, décrivant méticuleusement son égoïsme, son aveuglement, son incapacité à tenir compte d'autrui, sa veulerie avec les femmes, bref tout ce que le dépit amoureux lui fait voir en celui qu'elle adulait il y a peu ; et pourtant l'amour demeure intact, « comme une perle dans la boue », et la femme toujours amoureuse, blessée, ne peut s'empêcher, après l'avoir éreinté, de tisser de nouveau les louanges de cet homme d'exception. À travers l'évocation de cette passion, soudée dans la fondation de L'Express (avec le passage brutal, pour Françoise Giroud, de la presse féminine au journalisme politique et à l'engagement), elle brosse à petites touches le portrait d'un homme brillant, dont le « génie » politique semble en définitive pour elle excuser tout le reste. L'écriture de Françoise Giroud est nerveuse, efficace, mais aussi tendue dans la recherche d'un classicisme puisé dans la lecture des grands auteurs, s'essayant souvent avec bonheur à hausser son style vers la grande tradition de La Bruyère et des moralistes. Elle se montre très fine observatrice et portraitiste douée. Mais à travers ce texte dont la fin (le récit du suicide) est déchirante, on a surtout le sentiment rencontrer une femme d'exception, complexe, dure et tendre à la fois, lucide et naïve, formidablement combative. Préface et notes d'Alix de Saint André. Gallimard. 250p