Un livre coup de poing qui dresse une implacable radiographie des trente premières années de l'épidémie du sida: témoignage d'un émouvant parcours, celui d'une génération d'hommes, un jour contaminés, qui semblent revêtir alors une double tunique d'infâmie, si chère à l'Inquisition , brûlot contre la betise qui exclut, contre le cynisme et le mensonge qui font du séropositif un pestiféré, un paria, un coupable, enfin un regard engagé sur le monde, ses manquements, ses lâchetés. Mais "Sang damné", il serait cruel de l'oublier, est avant tout un merveilleux moment de littérature, où vibre une langue que Bergamini veut exsangue. L'intime y est (d)écrit avec ferveur et poésie. Les mots entrent en fusion et font sens. Ainsi de ces superbes lignes, prêtes à clore l'oeuvre : "Je renfermais les certitudes les plus concluantes. La vie m'a infligé de sanglants démentis. Je vis à proximité joyeuse de ma disparition." Sans damnés, la littérature n'est décidément rien. Marco, Les Mots à la BoucheSeuil, 237 p.